La Cour des comptes a rendu public, mardi 9 février son rapport annuel 2010. Premier tour d'horizon des principaux sujets abordés, en particulier ceux qui concernent directement les collectivités.
Finances publiques : la crise n'est pas la seule coupable !
Le rapport s'ouvre sur la constatation de la forte aggravation de la situation des finances publiques : le déficit est passé de 3,4% du PIB en 2008 à environ 8% du PIB en 2009. Conséquence directe : la dette est passée de 1.000 milliards en 2003 à 1.500 milliards en 2009. La Cour estime qu'elle pourrait atteindre 2.000 milliards en 2013, soit 100% du PIB. Une situation, qui si elle est encore peu sensible aujourd'hui en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, devrait vite devenir très délicate dès la remontée des taux : le paiement des intérêts pose une "forte hypothèque" sur la reprise de la croissance.
Or, ce fort endettement n'est pas imputable uniquement à la crise, explique la Cour : "Moins de la moitié du déficit est d'origine conjoncturelle." Elle appelle donc à une forte maîtrise de la dépense publique, qui passe d'abord par la réduction des effectifs de l'Etat. Côté collectivités, "le ralentissement de la croissance des dépenses en 2009, jusqu'ici très forte (3,1% en volume par an sur les dix dernières années hors transferts de compétences) ne peut résulter que d'une réforme touchant l'organisation des collectivités". Voilà qui tombe bien, une réforme est en cours ! Mais, ajoute la Cour, l'ampleur des déficits est telle qu'il ne suffira pas de faire des économies, "il faudra aussi augmenter le rendement des prélèvements obligatoires, notamment en réduisant fortement les dépenses fiscales et le coût des niches sociales".
Emprunts toxiques : les recommandations de la Cour "restent d'actualité"
Depuis 2006, la Cour dresse également dans son rapport annuel un bilan des suites données à ses observations. Dans cette partie est évoquée la question des emprunts "toxiques". En février 2009, la Cour avait en effet appelé l'attention sur les risques pris par les collectivités et établissements publics locaux ayant contracté des emprunts dits "structurés". Un an après, et en dépit de la charte de bonne conduite signée le 7 décembre dernier, "la Cour constate que ses recommandations n'ont été que très partiellement suivies d'effet à ce jour".
La Cour avait d'abord demandé qu'une loi renforce le rôle des assemblées délibérantes et encadre les compétences qui peuvent être attribuées aux exécutifs locaux en matière d'emprunt. "Ces modifications d'ordre législatif n'ont pas été engagées." Elle avait recommandé ensuite une adaptation du référentiel comptable afin d'améliorer la qualité de l'information sur ces emprunts. "Cette recommandation demeure d'actualité." Sur la charte signée en décembre 2009 (voir nos articles ci-contre), la Cour estime que "l'engagement de mieux associer les assemblées délibérantes" va dans le bon sens. Cependant, sur le fond, "les établissements de crédit peuvent toujours proposer des emprunts structurés". La Cour "ne peut donc que rappeler l'ensemble de ses recommandations, qui lui paraissent appeler une intervention des autorités de l'Etat allant au-delà d'une contribution à l'élaboration du charte de bonne conduite". On ne peut être plus clair.
A ces critiques trois ministres ont répondu : Bercy présente les avantages de cette charte, rappelle qu'elle a été signée "par les principales banques du secteur, mais que cette signature reste ouverte aux autres banques (…)". A cet égard, ajoute Christine Lagarde, "mes services ont reçu des manifestations d'intérêt d'établissements bancaires non signataires". De plus une circulaire aux préfets est "en préparation", elle rappellera l'état du droit et le rôle du service déconcentrés de l'Etat sur ce champ (contrôle et conseil de légalité), et "aura une valeur pédagogique très forte". Ainsi, conclut la ministre de l'Economie, "la démarche engagée par le gouvernement (…) me semble avoir été particulièrement active dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales". Côté Intérieur, on estime que l'Etat a proposé "une réponse proportionnée à un risque globalement diffus". L'organisation d'un débat annuel sur l'état de la dette dans chaque collectivité "nécessite un travail approfondi en liaison avec les différents partenaires". Quant à l'évolution des normes comptables pour provisionner les risques financiers pris par les collectivités en empruntant, cela "ne paraît pas être un objectif réalisable à court terme". Enfin, pour Eric Woerth, le comptable public a précisément pour fonction d'éclairer les choix des organismes publics. Il peut donc "alerter la collectivité sur la nature de certaines clauses du contrat d'emprunt". "Toutefois, la technicité inhérente à la composition de certains emprunts peut rendre extrêmement difficile le conseil. […] Le recours des collectivités à une assistance externe privée (analystes et ingénieurs spécialisés ans les métiers de la Bourse) devient alors nécessaire."
Enfin, parmi les vingt-cinq thèmes faisant l'objet d'observations, les collectivités relèveront notamment des sujets sociaux (lutte contre la fraude d'indemnisation au chômage, lutte contre le surendettement, évaluation des politiques en faveur des services à la personne…) et agricoles ou environnementaux (aides au développement rural, instruments de la gestion durable de l'eau).
Hélène Lemesle
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