Les opérateurs de l'Etat, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales ont "jusque-là plus ou moins échappé" à l'effort de redressement des finances publiques. Mais tous ces acteurs devront être concernés à l'avenir, à l'instar de l'Etat aujourd'hui, a souligné le premier président de la Cour des comptes le 10 janvier lors de l'audience solennelle de rentrée de l'institution, en présence du Premier ministre et de plusieurs ministres.
Les collectivités sont donc dans le viseur de Didier Migaud. Celui-ci estime que le niveau de leurs dépenses est globalement trop élevé et appelle à la mise en place d'une "démarche" qui les inciterait à "renforcer l'efficience de leurs dépenses de fonctionnement et à mieux apprécier la pertinence de leurs dépenses d'investissement". L'ancien député-maire de Seyssins, en Isère, n'ignore cependant pas les difficultés que connaissent certaines collectivités – lui-même cite les départements. Il appelle à des solutions pour ces collectivités, par exemple au renforcement de la péréquation.
Spécialiser l'action des collectivités
En outre, le projet de loi de décentralisation que prépare le gouvernement devrait être l'occasion de "rechercher une organisation des administrations territoriales plus rationnelle, plus lisible et plus efficace", a-t-il déclaré. En précisant qu'"une spécialisation plus poussée des différents niveaux de collectivités, ainsi que l'élimination des compétences concurrentes, devraient être recherchées". S'agissant du secteur communal, les mutualisations doivent se poursuivre dans le but de dégager des économies d'échelle, "à qualité de services publics constante". Sur ces sujets, la formation inter-juridictions consacrée aux finances locales dressera un constat et des préconisations dans un rapport prévu pour septembre prochain.
A l'avenir, la maîtrise des finances publiques ne pourra plus passer par de nouvelles hausses fiscales, comme celles qui ont été décidées par les gouvernements Fillon et Ayrault, estime Didier Migaud. Plus aucune marge de manœuvre n'existe de ce côté, a-t-il assuré. La France va donc "devoir, dans les années qui viennent, consentir à un freinage sans précédent de la dépense publique". L'objectif devrait être une augmentation de ces dépenses qui soit limitée à l'inflation, précise-t-il.
Pour rappel, le gouvernement a programmé une hausse des dépenses publiques limitée à 0,5% par an au-delà de l'inflation pendant le quinquennat. Ce qui est déjà un net effort, puisque la progression moyenne constatée au cours des années 1980 était de 3% en volume (c'est-à-dire une fois l'effet de l'inflation éliminé). Depuis le milieu des années 1990, la croissance des dépenses publiques a été de 2% par an. En 2010 et 2011, les dépenses publiques ont cru moins rapidement (0,9%). Pour ce qui est des seules dépenses du secteur public local, celles-ci ont progressé à un rythme annuel moyen de 2,4% entre 1983 et 2011, à champ de compétences constant et en euros constants de l'année 2011 (contre une augmentation annuelle moyenne du PIB de 1,9% par an), indique le rapport sur la dépense publique annexé à la loi de finances pour 2013.
Développer l'évaluation des politiques
Un nouveau coup de frein des dépenses va nécessiter un "changement culturel important", affirme Didier Migaud. Les pouvoirs publics vont devoir s'attaquer aux dépenses "inutiles" ou "inefficaces", que des évaluations "plus systématiques et plus régulières" permettraient d'identifier.
Abordant un tout autre sujet, celui de l'harmonisation des comptes publics à l'échelle européenne qui est étudiée par Bruxelles, le premier président a appelé à la vigilance. Les normes internationales dites "IPSAS" sont "en partie inadaptées aux spécificités du secteur public, incomplètes et instables". De plus, elles présentent le défaut d'être élaborées par un organisme où les pouvoirs publics ne sont pas représentés, ce qu'il a regretté vivement (pour aller plus loin, lire notre article du 20 décembre 2012: "Vers un "big bang" des règles comptables des collectivités ?").
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