L'archéologie préventive, par la perturbation qu'elle peut introduire dans la programmation des opérations d'aménagement, reste un sujet sensible pour nombre d'élus locaux. Une nouvelle preuve en a été donnée avec la question orale sans débat consacrée à ce sujet lors de la séance du Sénat du 15 avril. Jacques Legendre, sénateur du Nord - et qui fut le rapporteur de la loi du 1er août 2003 relative à l'archéologie préventive -, attire en effet l'attention "sur les graves difficultés auxquelles les collectivités locales sont confrontées quand des prescriptions de fouilles archéologiques sont signifiées [...] et qu'il n'est pas possible de trouver un organisme agréé susceptible de réaliser ces fouilles dans des délais raisonnables".
Rappelant sa formation d'agrégé d'histoire, le sénateur du Nord ne remet pas en cause le principe des fouilles préventives, mais rappelle qu'"en dépit de l'augmentation de ses effectifs en 2007, l'opérateur public, l'Inrap [Institut national de recherches archéologiques préventives], ne parvient pas à accompagner la hausse des prescriptions entraînées par la création de nouveaux parcs d'activités" et qu'"en parallèle, la mise en place de services d'archéologie privés ou gérés par des collectivités territoriales est encore insuffisante pour répondre à la pression de l'aménagement local". Cette situation risque de perturber gravement la programmation de certains grands chantiers, comme la réalisation du canal Seine-Escaut dans le nord de la France. Jacques Legendre suggère par conséquent que "les prescriptions de fouilles tiennent davantage compte de la capacité réelle à effectuer celles-ci dans un délai raisonnable, lequel pourrait être de six mois au maximum". Il suggère aussi de relancer l'incitation à la création de services archéologiques par les grandes collectivités territoriales.
Dans sa réponse, la ministre de la Culture rappelle que le dispositif d'archéologie préventive mis en place par les lois de 2001 et 2003 est aujourd'hui largement accepté et a contribué "à l'avancement de la connaissance de nos origines". Elle se dit cependant consciente des problèmes posés par "la conciliation des impératifs, parfois contradictoires, des rythmes de l'aménagement du territoire et de la recherche archéologique". Elle convient aussi que le rythme de création des services territoriaux "n'est pas satisfaisant, car de nombreuses collectivités hésitent encore à se positionner comme de véritables opérateurs en archéologie préventive". Au début de 2008, sur les 66 opérateurs (hors Inrap) agréés, on en comptait ainsi 48 relevant de collectivités territoriales, soit 73% de l'ensemble. Mais la répartition géographique des opérateurs publics ou privés est très déséquilibrée (8 en région Paca, mais 2 en Rhône-Alpes, par exemple). Christine Albanel apporte par ailleurs une information intéressante : entre 2002 et aujourd'hui, le pourcentage des dossiers instruits par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) donnant finalement lieu à une prescription archéologique a été divisé par deux, passant de 13,83% des dossiers examinés à 6,67%, ce qui témoigne d'une sélectivité accrue de la part des services instructeurs alors que le nombre de dossiers instruits a doublé au cours de la période. Ce chiffre plancher ne devrait toutefois plus guère évoluer, car "une plus forte réduction du taux de prescription serait dangereuse" pour les aménageurs, en les exposant à une découverte fortuite en cours de chantier. Seule concession de la part de l'Etat : la ministre de la Culture a donné instruction à ses services "d'étudier au cas par cas les impératifs de calendrier en liaison avec les aménageurs, afin de fixer aux équipes de l'Inrap leurs priorités d'intervention, qui seront définies sous l'égide des préfets de région". Tout en admettant que "le chantier de l'archéologie préventive reste ouvert", Christine Albanel confirme ainsi qu'"il n'y a pas de solution miracle". Le dossier de l'archéologie préventive ne devrait donc pas connaître d'évolution significative à brève échéance.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Sénat, séance du 15 avril 2008, question orale sans débat de Jacques Legendre, sénateur du Nord, et réponse de la ministre de la Culture et de la Communication.
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