Les feux estivaux ravivent la question des moyens allous aux services dincendie et de secours

June 2024 · 8 minute read


Les dramatiques incendies estivaux ont sans surprise attisé les débats sur les moyens et la place de la protection civile en général, des services d’incendie et de secours et des sapeurs-pompiers volontaires en particulier.

Les volontaires à la même enseigne que les professionnels

Dans un communiqué du 29 août dernier, Départements de France (ex. ADF) demande ainsi au gouvernement de prendre "à très court terme deux décisions fortes pour encourager le volontariat" :
- d’une part, une revalorisation de l’indemnité horaire (qui va aujourd’hui de 8,08 euros pour un sapeur à 12,15 euros pour un officier, aux termes de l’arrêté du 9 juin 2021) de 3,5%, hausse qui "devra être compensée intégralement par l’État". La demande avait été formulée quelques jours auparavant par le président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), Olivier Richefou, "avec un effet rétroactif au 1er juillet 2022". Et ce, "dans un souci d’équité" : "Il me paraît primordial que cette indemnité horaire […] soit revue à la hausse de manière équitable avec leurs collègues professionnels", précisait l’élu, évoquant ici la revalorisation du point d’indice dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux depuis le 1er juillet (voir notre article du 28 juin). Soit un effort budgétaire que le président de la CNSIS évalue à "environ 20 millions d’euros en année pleine" ;
- d’autre part, une revalorisation "significative" de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR), i.e. son doublement pour 20 et 25 ans de service, +75% dès 30 ans et +50% à compter de 35 ans. Ici, les départements prendraient "leur part à l’effort national en assumant la moitié du financement de cette mesure".

Un sort particulier pour les volontaires dans la réforme des retraites

"Jusqu’à présent, on mobilise les sapeurs-pompiers [des] départements à faible risque pour les déployer dans les zones plus exposées. Le risque se généralisant en raison du changement climatique à l’œuvre, ce modèle sera à l’avenir difficilement tenable. Nous aurons besoin de renforts, nous aurons besoin de volontaires. Et il est de la responsabilité de l’État de nous accompagner à rendre plus attractif le statut de pompier volontaire", justifie le président de Départements de France, François Sauvadet. L’association – qui a lancé par ailleurs une mission flash "de retours d’expérience de l’été", confiée à André Accary et Jean-Luc Gleyze et "dont les conclusions porteront sur l’organisation et les investissements nécessaires à l’adaptation de notre modèle de sécurité civile aux nouveaux risques" – demande en outre au gouvernement, dans le cadre de la "réforme à venir des retraites", de faire des propositions destinées à valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

Le serpent de mer de la TSCA

Au cœur de l’été, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), Grégory Allione, avait pour sa part réitéré son souhait de voir recrutés 50.000 volontaires d’ici 2027. Et dans une tribune au Journal du Dimanche (JDD) publiée le 13 août, d’une même voix avec les présidents de la CNSIS et de l’Association nationale des directeurs de Sdis (Stéphane Morin), il a également demandé la revalorisation – son doublement – de la part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) reversée aux services d’incendie et de secours par les conseils départementaux (ces derniers sont affectataires depuis la loi de finances pour 2006 d'une fraction de 6,45% du produit de cette taxe pour financer les Sdis). "En mettant en péril leurs vies pour protéger les personnes et les biens, les sapeurs-pompiers et plus largement les acteurs de la sécurité civile permettent aux assurances un taux d’évitement conséquent, et donc des économies non négligeables", plaident les signataires. Qui demandent que la réflexion soit menée "dès à présent, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023".

La demande n’est pas nouvelle. Elle avait notamment été formulée lors des vifs débats sur la revalorisation de la prime de feu par Dominique Bussereau, prédécesseur de François Sauvadet à la tête de l’ADF, et François Baroin, président de l’AMF, dans un courrier commun au Premier ministre daté du 10 janvier 2020, demande réitérée dans un nouveau courrier (publié par la CFDT-Sdis) de Dominique Bussereau au Premier ministre daté du 6 février 2020, ou encore relayée par Olivier Richefou (voir notre article du 30 janvier 2020).

Demande boomerang

Elle ne semble pour autant pas vouée à prospérer aisément. Le 19 août, dans un entretien publié dans l’édition suivante du même JDD, le ministre de l’Intérieur renvoyait en effet la balle aux départements : "Seuls 40 à 60% du produit de cette taxe leur [aux Sdis] revient effectivement. Je pose donc la question aux élus départementaux, dont je fais partie, peut-être faudrait-il déjà en reverser une plus grande part aux Sdis ?" On imagine aisément que ce n’était pas la réponse attendue…

La part effectivement reversée aux Sdis n’est pas aisée à connaître. Le syndicat Sud, qui avait demandé au ministère de l’Économie communication, pour les années 2012 à 2020, des montants de la TSCA, des sommes affectées département par département et du montant affecté dans chaque département au titre du financement des Sdis, avait ainsi essuyé le refus de Bercy. Le syndicat avait du coup porté la question devant la Commission d’accès aux documents administratifs, laquelle, dans sa séance du 7 janvier 2021, a émis un avis favorable à la demande de communication (voir aussi la décision de la Cada du 30 avril 2021 suite au refus opposé par la présidente du conseil départemental de la Drôme). Le syndicat demande aujourd’hui "une modification du code général des collectivités territoriales afin d’imposer une traçabilité de cette TSCA Sdis dans la comptabilité des départements".

Reversement nécessairement intégral ?

À en croire le ministère des Comptes publics, il n’y a pourtant pas matière à s’interroger. Dans une réponse ministérielle du 24 février dernier, il indique clairement que "les départements sont tenus de reverser l’intégralité du produit de cette taxe aux services de secours". C’est aussi la lecture du syndicat CGT du Sdis de la Marne : "Selon des sources nationales, certains conseils départementaux versent ou [n’]ont versé que partiellement la partie de la TSCA Sdis, le restant étant destiné à d’autres financements, ce qui est un véritable scandale financier et politiquement immoral. L’État devrait obligatoirement faire un travail de vérification et pénaliser les détournements d’argent public et sanctionner les fraudeurs", s’emportait – sans doute un peu trop – le syndicat, le 14 février 2020.

"En vertu du principe comptable de non-affectation des recettes, cette n’obligation n’existe pas", rappelle Olivier Richefou, interrogé par Localtis ("la part allouée aux départements n’est pas fléchée vers les Sdis", avait-il déjà enseigné – voir notre article du 30 janvier 2020 précité).

Une analyse que partagent les membres élus du Conseil national d’évaluation des normes. Se prononçant le 5 mars 2020 sur le projet de décret portant revalorisation de l’indemnité de feu, ces derniers soulignaient ainsi "que si la quote-part de TSCA est effectivement votée par le Parlement en loi de finances comme constituant une recette des départements destinée à financer les Sdis, rien n’oblige ces derniers à les affecter à ce budget, conformément au principe de libre administration". Par le passé, Olivier Richefou avait aussi estimé, en le déplorant, que la part de TSCA allouée aux départements "n’est pas fléchée vers les Sdis" (voir notre article précité).

Fin de non-recevoir

Quoi qu’il en soit, l’État ne semble pas disposé à revaloriser la part départementale de la TSCA. Après avoir souligné le caractère "fortement dynamique" de cette recette – qui générait à l’origine (la loi de finances pour 2005) un produit de 900 millions d’euros, contre 1,2 milliard en 2020, "soit une augmentation de près d’un tiers par rapport à 2006" –, le ministère des Comptes publics concluait ainsi sa réponse : "En somme, un rehaussement de la fraction de TSCA affectée aux départements ne paraît pas justifié compte tenu de la nette progression de cette ressource au cours des dernières années et, plus généralement, des transferts de l’État au titre du financement des Sdis." Alors, fermez le ban ? Rien n’est moins sûr. Rappelons qu’aux termes de la loi Matras, le gouvernement doit remettre au Parlement, d’ici le 1er janvier prochain, un rapport portant sur le financement des services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours. Le débat n’est donc pas prêt de s’éteindre. 

  • Les volontaires : l’essentiel des effectifs, mais une crise des vocations

Les sapeurs-pompiers volontaires représentent près des quatre cinquièmes des effectifs des sapeurs-pompiers en France (251.900 sapeurs-pompiers au 31 décembre 2020, dont 197.100 volontaires selon un décompte des Sdis rapporté par l’AFP). Las, d’après la FNSPF, la France a perdu 30.000 volontaires au cours des vingt dernières années. Pour tenter d’inverser la tendance, le Parlement a adopté il y a peu la loi dite Matras (voir notre article du 26 novembre 2021), qui prévoit différentes dispositions en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, notamment un abaissement de 20 à 15 ans de la durée de service effectif ouvrant droit à la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires (voir notre article du 25 avril) ou encore l’attribution d’un label "employeur partenaire des sapeurs-pompiers" aux entreprises favorisant le volontariat (voir notre article du 29 août).

ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56rXZuytsSMnqqtoaaWwrl50Zqtoq6Vo8FuuMBmqK6do6m2sLqMnZysZZ2kxqa60maYpaSfqrK0ecCur2arlafDqq%2FErGSdoZ6Ysq%2BwyJ5knqxdmbJuv8Scpq6qow%3D%3D