Trop, c'est trop : les maires ruraux n'en peuvent plus de voir leur autorité remise en cause et mettent en garde l'Etat. Obligation de transfert du plan local d'urbanisme à l'échelon intercommunal, nouveau découpage des cantons, réforme des rythmes scolaires et difficultés financières résultant de la baisse des dotations : les sujets de mécontentement se sont accumulés ces dernières semaines mais le malaise, bien profond, ne date pas d'hier. "La réalité de nos territoires n'est pas entendue, et pire n'intéresse pas. On l'a vu à travers les dispositions touchant le rural ces dernières années : nous sommes ignorés", a déploré Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) au cours d'une conférence de presse ce 3 octobre au Sénat, organisée le surlendemain d'une rencontre avec la directrice de cabinet du président de la République. A quelques jours de leur congrès national qui se tiendra le 12 octobre à Port-sur-Saône sur le thème "L'égalité des territoires, c'est pour quand ?", les maires ruraux sont particulièrement remontés contre "l'intercommunalité forcée" que symbolise pour eux l'article 63 du projet de loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové) rendant obligatoire l'élaboration du plan local d'urbanisme à l'échelon intercommunal. Ils viennent de lancer à ce sujet une pétition auprès des élus et des habitants qui a déjà recueilli plus d'un millier de signatures. L'attachement à la prérogative des maires en matière d'urbanisme, qui remonte aux lois Defferre de 1982-83, "c'est quelque chose de viscéral", a souligné le sénateur (divers gauche) Pierre-Yves Collombat, numéro deux de l'association. "Ce qui nous dérange, ce n'est pas le plan local d'urbanisme intercommunal en tant que tel mais son caractère obligatoire, a souligné Vanik Berberian. Il y a derrière cela une sorte de passage en force car on veut nous faire croire que les maires ne sont pas capables d'assumer cette compétence d'aménageur du territoire en toute responsabilité." Or, "la confiscation de cette compétence risque de poser problème si on a de trop grandes disparités entre collectivités au sein du PLUi, estime le président de l'AMRF, maire de Gargilesse (Indre, 350 habitants). De plus, la question de l'efficacité économique de la mesure n'est pas garantie car il n'est pas sûr que les intercommunalités disposent des moyens d'ingénierie nécessaires". Rien ne permet de penser non plus selon eux que le fait de rendre le PLUi obligatoire permettra d'arrêter la surconsommation d'espaces agricoles.
"Pour l'Etat, 1 urbain vaut 2 ruraux"
Autre sujet de tension : la réforme des rythmes scolaires. "Comme bel exemple de plantage, on ne fait pas mieux. Au début, la plupart des maires y était favorable. Mais c'est peu appliqué, comme on l'avait pressenti. Les conditions ne sont pas réunies, à la fois en termes de financement, d'encadrement, voire de locaux disponibles", estime Vanik Berberian. Pour autant, "reporter la réforme n'est pas la bonne solution. Il faut s'interroger sur ce qui ne fonctionne pas, et notamment sur la question de son financement qui rejoint celle de la capacité financière des communes. Le fait d'attribuer la même somme à toutes les communes nous paraît profondément injuste car là où les collectivités ont les moyens, on peut avoir des activités intelligentes alors qu'ailleurs on n'a que de simples garderies".
Les maires ruraux dénoncent ainsi la baisse des dotations qui conduit à des disparités croissantes entre grandes et petites communes. La dotation globale de fonctionnement par habitant varie de 64,46 pour une commune de 100 habitants à 128,93 euros pour une commune de 500.000 habitants. "Pour l'Etat, 1 urbain vaut 2 ruraux", pointe l'AMRF qui juge cet écart d'autant plus injustifié que les petites communes qui perdent des habitants doivent continuer à faire face à des charges inchangées (entretien de la voirie, des réseaux d'assainissement, etc.). Les maires ruraux font aussi état d'un sentiment de mépris à leur égard concernant la manière dont s'effectue le redécoupage des cantons. "Au-delà du poids excessif donné à la dimension urbaine, nous regrettons la rapidité d'exécution et l'absence de concertation".
Anne Lenormand
L'AMF toujours opposée au transfert obligatoire du PLU aux communautés
Vivement opposée depuis le départ à cette mesure, le bureau de l'Association des maires de France (AMF) a souligné dans un communiqué publié ce 3 octobre que ce transfert, ayant lieu de plein droit selon le projet de loi, les communes "risqueraient de perdre cette compétence, acquise par la grande loi de décentralisation de 1983, sans aucune consultation des conseils municipaux (...)". L'AMF précise que ses parlementaires vont "présenter un amendement" basé "sur le principe d'un urbanisme intercommunal fondé sur une co-construction entre les communes membres et leur communauté". Le texte sera examiné à partir du 22 octobre au Sénat.
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