Les missions locales évoluent quasiment dans le même cadre juridique que celui de leur création, en 1982. C'est pour cette raison que la ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social a chargé, le 11 mai dernier, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) d'une mission relative au modèle économique des missions locales. Il s'agissait notamment de "dresser un état des lieux de l'ensemble des activités des missions locales", et "d'objectiver [leur] modèle économique (…) au regard de l'ensemble des missions qui leur sont confiées, et dont le financement est assuré par l'Etat et les collectivités territoriales". Cette analyse devait tenir compte des conséquences de la mise en place du nouveau parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, dont la garantie jeunes constitue une modalité.
Des conférences de financeurs pour les missions locales
Partant du triple constat que les 445 missions locales souffrent d'une "instabilité financière chronique et d'un manque de visibilité", d'une "situation financière fragile" (une structure sur quatre est en déficit et 30% des missions locales ont une trésorerie correspondant à moins d'un mois d'activité) et d'un "manque de coordination des différents financeurs", la principale proposition de l'Igas est de mettre en place, tant au plan régional qu'au plan national, des "conférences de financeurs". Cela devrait favoriser "une meilleure coordination des financements afin de rendre plus équitable leur répartition entre missions locales". A l'échelle nationale, le délégué ministériel aux missions locales, Jean-Marc Seijo-Lopez sera chargé de la préparation de ces conférences. Ce sera "la priorité" de ce dernier, a précisé la ministre du Travail, le 30 novembre, lors de la présentation du rapport de l'Igas, en présence des présidents des associations régionales des missions locales (ARML). Le délégué ministériel est chargé de "garantir aux missions locales des moyens stables et des objectifs clairs".
Myriam El Khomri a rappelé que, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2017 actuellement en débat au Parlement, le budget des missions locales augmentera de 14 millions d'euros auxquels s'ajoutera 1,23 million d'euros pour le financement des conseillers référents justice. Le budget consacré à l'accompagnement des jeunes (en particulier dans le cadre de la garantie jeunes) augmentera, lui, de 76 millions d'euros, ce qui fait, comme l'avait annoncé Bercy au moment de la présentation du PLF 2017 en Conseil des ministres, que les missions locales bénéficieront d'une augmentation globale de près de 91,3 millions d'euros. Pour l'Union nationale des missions locales (UNML), qui a commenté le rapport dans un communiqué du 1er décembre, "l'assurance d'un financement plus transparent, plus cohérent et plus équitable des missions locales proposée par l'Igas répond à [ses] attentes", ainsi que "l'organisation de conférences des financeurs, l'amélioration de l'interministérialité des financements, et le rééquilibrage de la subvention socle".
Pas de remise en cause du cadre associatif et multipartenarial
D'autre part, l'Igas a fait le choix de ne pas remettre en cause le cadre associatif et multipartenarial des missions locales "sans remise en cause du partenariat entre l'Etat et les autorités locales sur la base de subventions versées par ces dernières à titre volontaire", ce que salue l'Union nationale des missions locales (UNML), dans son communiqué. D'autre part, l'Igas propose le lancement d'"un chantier d'évolutions sur la structuration et la professionnalisation du réseau". Au niveau national, c'est chose faite avec la création d'un délégué ministériel aux missions locales. Au niveau régional, "le rôle des ARML doit être précisé, en mettant en valeur leur potentiel de mutualisation de certaines tâches (assistance au reporting, système d'information, formation…) et, si nécessaire, en révisant leurs financements". "C'est ce que l'UNML a décidé de faire lors de sa dernière assemblée générale, avec la mise en place d'un cadre national de référence des actions" des ARML, précise l'UNM. Elle ajoute qu'"un plan de formation est prévu dès 2017, défini en concertation avec l'Association des directeurs (ANDML)".
Dans un troisième "ensemble d'adaptations" concernant la garantie jeunes qui va être généralisée dès le 1er janvier 2017, l'Igas propose d'assouplir la mise en œuvre et le financement de ce dispositif, avec des objectifs réalistes et un allègement du cahier des charges. Pour l'Igas, il semble ainsi "souhaitable" que la mission locale puisse gérer la généralisation de la garantie jeunes "avec une latitute plus importante" que dans le cadre de l'expérimentation, "en ce qui concerne par exemple le portefeuille de jeunes par conseiller ou la gestion des ressources humaines affectées à ce dispositif". L'Inspection générale plaide aussi pour un assouplissement de la définition des "sorties positives" (ce thème devra être concerté avec la Commission européenne) et la révision du calendrier des paiements des subventions aux structures au titre de la garantie jeunes. Ceci, afin d'"éviter qu'il amplifie les tensions sur la trésorerie des missions locales". L'UNML, en tant que "représentant du réseau national des missions locales et des ARML, sera force de propositions dans la mise en place du projet stratégique recommandé par l'Igas pour la mise en place du 'Parcours contractualisé d'accès à l'autonomie et l'emploi' comme pour la généralisation de la garantie jeunes". Elle précise que "le cadre national de référence des missions locales opposable", décidé par son assemblée générale de septembre 2016, "s'inscrit dans cette perspective".
Les évolutions de la garantie jeunes
De son côté, la ministre a rappelé l'objectif de généralisation de la garantie jeunes dès 2017 pour "tous les jeunes en situation de précarité qui ne sont ni en étude, ni en emploi, ni en formation" (soit environ 150.000 jeunes pour 2017). Tous "pourront bénéficier de ce droit, qui combine accompagnement intensif et allocation", a précisé la ministre. Il s'agit d'un "droit universel". A ce titre, "le principe de validation des entrées au niveau de la commission d'admission sera supprimé. Une commission de suivi veillera à "la juste adéquation entre le profil des jeunes ciblés et celui des bénéficiaires effectifs". L'entrée des jeunes dans le dispositif sera "accélérée et autorisée", y compris si toutes les pièces administratives ne sont pas encore réunies. Dans un même souci de simplification, "le justificatif de domicile ne sera plus obligatoire, l'adresse de la mission locale prévaudra".
Valérie Grasset-Morel
Le rapport du comité scientifique de la garantie jeunes
Le même jour, le comité scientifique en charge de l'évaluation de la garantie jeunes remettait à la ministre du Travail son rapport intermédiaire. Il estime que ce dispositif "semble bien avoir atteint sa cible, les caractéristiques et les situations personnelles des bénéficiaires font apparaître un public fragile". Un tiers des jeunes accompagnés dans ce cadre a déjà connu de grosses difficultés de logement, ne sachant pas où loger ou dormir. La même proportion (34%) déclare ne connaître personne qui pourrait les dépanner en cas de problème d'argent et 18% n'ont personne sur qui compter pour prendre des décisions difficiles.
Les travaux du conseil scientifique font ressortir "pour la première cohorte, des effets positifs sur les taux d'emploi : quatorze mois en moyenne après l'entrée dans le dispositif, la part des jeunes en emploi s'établit à 40,4%, contre 34,1% pour les jeunes hors garantie jeunes. 20,5% des jeunes ayant bénéficié de la garantie jeunes s'insèrent durablement, contre 15,9 % sans". L'UNML note, à l'instar de l'Igas, que "le conseil pointe l'insuffisante prise en compte des problèmes organisationnels avec des charges administratives qui se sont révélées très lourdes, au détriment des missions de base des missions locales comme les modalités de financement et de pilotage du dispositif peuvent contribuer à fragiliser le modèle économique des missions locales".
V.G.-M.
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