Dans une décision rendue jeudi 11 avril, le Conseil constitutionnel a censuré le bonus-malus énergie, mesure phare de la loi Brottes "visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes". Les juges constitutionnels, qui avaient été saisis par les parlementaires UMP, ont estimé que le bonus-malus créé par l'article 2 de la loi était "contraire au principe d'égalité devant les charges publiques" pour deux raisons : il ne concernait que les particuliers et pas les professionnels et il s'appliquait au chauffage collectif, quand bien même celui-ci empêche de distinguer les consommations de chacun.
L'exclusion des consommations professionnelles "conduisait à ce que des locaux dotés des mêmes dispositifs de chauffage, soumis aux mêmes tarifs et, pour certains utilisant un dispositif de chauffage commun soient inclus ou exclus du seul fait qu'ils étaient ou non utilisés à des fins domestiques", ont jugé les Sages. Quant à l'inclusion du chauffage collectif, il allait à l'encontre de "l'objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d'énergie de réseau", selon le communiqué du Conseil constitutionnel.
Les autres mesures (extension des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz à huit millions de Français, mesures de soutien à l'éolien...) ont en revanche été validées. Mais la décision vide de sa principale substance la loi Brottes, adoptée définitivement après un feuilleton parlementaire chaotique et de vives critiques allant de l'UMP jusqu'au Parti communiste. Censuré sur sa légalité, le dispositif du bonus-malus était surtout dénoncé par sa complexité : il imposait en effet de tenir compte du nombre de personnes dans le foyer, des modes de chauffage et d'eau chaude et de la localisation géographique du logement.
"Le Conseil a censuré les dispositions sur le bonus-malus, parce qu'il ne s'applique pas assez largement, mais ce principe n'est pas invalidé, a déclaré le député socialiste de l'Isère François Brottes, concepteur de la loi. Il faut, nous dit le Conseil, que le champ d'application de ce bonus-malus soit élargi à la consommation professionnelle et qu'on aille plus loin dans le décompte des consommations individuelles dans les immeubles équipés de chauffages collectifs. Je prends donc cette décision comme un encouragement à trouver une solution qui incite réellement le plus grand nombre aux économies d'énergie." "La censure du dispositif du bonus-malus est une déception, a admis pour sa part Delphine Batho dans un communiqué. Il faut toutefois souligner qu'elle n'est pas fondée sur le principe même du bonus-malus mais son périmètre d'application considéré comme partiellement contraire au principe d'égalité." "Le gouvernement ne renonce pas pour autant à l'objectif d'incitation à la maîtrise de la consommation d'énergie et cherchera à y apporter une solution qui tienne compte de cette décision dans le cadre du débat national sur la transition énergétique", a ajouté la ministre de l'Ecologie.
"Nous avons martelé tout au long de nos débats que le bonus-malus était profondément inégalitaire. Le Conseil constitutionnel nous donne raison", a déclaré Jean-Claude Lenoir, porte-parole des sénateurs UMP sur ce texte. "A légiférer trop vite et sans écoute, on légifère mal, voire on ne légifère pas", ont déclaré dans un communiqué Vincent Capo-Canellas et Jean-Claude Merceron, orateurs du groupe UDI-UC au Sénat sur ce texte. "Tout au long des débats parlementaires, le groupe UDI n'avait cessé de dénoncer le coeur de la proposition de loi Brottes", a rappelé au nom du groupe le député UDI de la Meuse Bertrand Pancher. "Censée être la première loi environnementale du gouvernement Ayrault, elle avait été inscrite dans la plus grande précipitation à l'ordre du jour du Parlement et brillait par son extrême complexité et sa totale impréparation", a-t-il poursuivi. Selon Bertrand Pancher, le dispositif envisagé était "socialement injuste et écologiquement inefficace, puisqu'il prévoyait de pénaliser différemment les consommateurs selon qu'ils résidaient dans des immeubles individuels ou collectifs, qu'ils étaient professionnels ou domestiques, ou qu'ils se chauffaient au gaz ou au fioul". "Au final, ce texte mettait en place une rupture d'égalité caractérisée entre usagers du service public de l'énergie, ce que le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de relever", a estimé le député. Le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) au Sénat, "se félicite" quant à lui de la censure, estimant que "le principe de bonus-malus rompait le principe d'égalité tarifaire".
De leur côté, les ONG, globalement peu enthousiastes sur le bonus-malus, ont appelé à des mesures plus simples et plus transversales. Pour réduire les consommations, "il ne suffira pas de réduire les consommations dans le secteur résidentiel mais dans tous les secteurs", a ainsi estimé Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement. Pour la fondation Nicolas-Hulot, la "simplicité devra être la base des prochains dispositifs". L'association de consommateurs CLCV relève que "la mise en place d'une tarification vertueuse d'un point de vue écologique et social implique déjà de revenir à un principe simple, celui de suppression de la part fixe", c'est-à-dire l'abonnement, qui "désavantage les petites consommations" et donc les "usages sobres". Elle rappelle aussi "la modération de la consommation d'énergie passe moins par des innovations tarifaires que par des aides au consommateur pour adapter son habitat et ses équipements". Enfin, elle estime qu'il serait bon pour les pouvoirs publics de "lancer d'abord un plan d'aide ambitieux pour l'isolation des logements".
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