Juin 2024 "se classe au troisième rang des mois de juin les plus humides pour les nappes depuis 30 ans (après juin 2001 et juin 2013)", a annoncé ce 12 juillet le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'organisme public chargé de la surveillance des réserves d'eaux souterraines qui présentait son nouveau bulletin de situation des nappes d'eau souterraine.
Au 1er juillet, 70% des nappes métropolitaines étaient au-dessus des normales, exactement comme au 1er juin, alors qu'en cette saison, le niveau a plutôt tendance à baisser sous l'effet de l'absorption de l'eau par la végétation et de la hausse des températures. Seuls 17% des points d'observation sont sous les normales mensuelles, encore moins qu'au 1er juin (19%).
Pluviométrie exceptionnelle
"C'est vraiment un mois de juin assez exceptionnel pour les nappes" qui sont très rarement à des niveaux si hauts à cette époque de l'année, a souligné Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM lors d'une visioconférence. Une exception aussi par rapport à l'an dernier, où 68% des nappes étaient sous les normales à la même période. "On est dans une situation complètement inversée, ce qui est assez remarquable car d'habitude un tel changement prend deux ou trois ans", a noté Violaine Bault. Cette année, "l'état des nappes de juin est très satisfaisant" en raison d'une recharge 2023-2024 excédentaire et d'un soutien par les pluies printanières. Selon Météo-France, il a plu le mois dernier 20% de plus que les normales en métropole et jusqu'à 100% de plus dans certaines régions (Loire, Poitou, Bourgogne, Alpes centrales) alors que dans d'autres (Manche, Languedoc-Roussillon, Côte d'Azur), le niveau des précipitations a atteint "à peine la moitié de la normale".
Depuis l'arrivée du printemps, certaines nappes ont commencé à se vider, comme traditionnellement en cette saison, mais "les cumuls pluviométriques ont été suffisants pour conserver des sols humides et satisfaire les besoins en eau de la végétation. Des pluies ont alors pu s'infiltrer en profondeur et soutenir voire recharger les nappes jusqu'en mai", précise le BRGM. Résultat : en juin, la vidange est certes entamée pour 62% des nappes, mais 20% des points d'observation affichent toujours des niveaux en hausse, alors que "d'habitude quasiment la totalité des nappes sont en baisse", a précisé Violaine Bault.
Peu d'évolutions entre mai et juin pour la plupart des nappes
"Concernant les nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône, les situations n’évoluent pas entre mai et juin, détaille le BRGM dans son bulletin. L’état des nappes inertielles est généralement satisfaisant avec des niveaux modérément hauts à hauts. Seule la situation de la nappe de Beauce s’améliore, du fait d’une recharge encore active, et devient proche des normales mensuelles. Les nappes très inertielles de la Bresse et des Dombes ainsi que du Sundgau (sud Alsace) présentent encore des niveaux modérément bas, pouvant être localement bas à très bas." Localement, des niveaux moins satisfaisants, de modérément bas à bas, sont observés au sud et au sud-ouest du Bassin parisien (nappe de la craie de Normandie au sud de la Seine, nappe des sables cénomaniens du Perche et du Maine et nord de la nappe de Beauce) et de la Drôme des collines (nord de la nappe de la molasse miocène du Bas-Dauphiné).
Pour les nappes réactives, dont l’évolution dépend des cumuls pluviométriques locaux, les situations ont très peu évolué entre mai et juin : elles se sont légèrement améliorées sur quelques secteurs arrosés (nord-ouest du Massif central, par exemple) et dégradées légèrement sur ceux peu arrosés comme la Bretagne. La situation est demeurée "très satisfaisante" sur une grande partie de ces nappes qui affichent des niveaux modérément hauts à très hauts. "Ce constat s’explique par une recharge 2023-2024 excédentaire et par un soutien important des niveaux par les pluies du printemps", souligne le BRGM. Certains niveaux des nappes des calcaires jurassiques et crétacés du centre-ouest (Brenne, seuil du Poitou, Périgord et bassin angoumois) et des nappes du socle du sud du Massif armoricain (de la Vilaine au bocage vendéen) affichent les plus hauts niveaux enregistrés en juin depuis 20 ans.
Nappes encore fragilisées dans le sud
"Les déficits pluviométriques en juin impactent les nappes les plus fragilisées par une recharge 2023-2024 moins favorable", poursuit le BRGM. La situation des nappes de la plaine de la Limagne et des formations volcaniques du Massif central s'est dégradée légèrement pour devenir proche des normales. "L’état des nappes est proche à localement sous les normales sur les nappes alluviales de l’Adour et du Gave de Pau ainsi que localement sur la vallée amont de la Garonne, relève l'organisme. Les nappes de Provence et de la Côte d’Azur sont globalement proches des normales, mais les niveaux sont hétérogènes, de bas à hauts, selon les cumuls pluviométriques locaux de ces dernières semaines."
"Plusieurs nappes présentent des situations peu favorables avec des niveaux bas à très bas par rapport aux mois de juin des années précédentes, du fait d’un déficit pluviométrique très marqué ces derniers mois ou ces dernières années", observe encore le BRGM. C'est le cas des nappes du Cap Corse et des plaines orientales de Corse, de la nappe alluviale de l’Aude qui a connu une recharge 2023-2024 déficitaire et des nappes de l’aquifère multicouche du Roussillon et des calcaires karstifiés du massif des Corbières du fait de déficits pluviométriques depuis deux ans.
Risque de "tensions locales" en fin d'été en fonction des prélèvements
En juillet et jusqu'à la fin de l'été, les nappes devraient continuer à baisser, les épisodes de recharge devant rester "ponctuels et peu intenses", prévoit le BRGM. Pour cette raison, malgré un bilan redevenu très positif ces derniers mois après deux années particulièrement sèches, l'organisme appelle à la vigilance "sur les nappes qui affichent actuellement des niveaux modérément bas à très bas ainsi que sur les secteurs fortement sollicités par des prélèvements" notamment pour l'irrigation agricole (Normandie, Beauce, régions de la Loire, Drôme, etc.), avec des "tensions locales" qui pourraient apparaître. Cela pourrait concerner surtout la fin de l'été, juillet devant "être assez tranquille" en raison des précipitations déjà tombées. Météo-France jugeant toutefois probable des températures plus chaudes que les normales cet été et ne se prononçant pas sur les précipitations, un nouvel "épisode de sécheresse" n'est pas à exclure totalement, explique Violaine Bault. L'absence de précipitations et des températures élevées pourraient engendrer une "dégradation rapide" avec des nappes "qui pourraient descendre assez vite, en 6 à 8 semaines, y compris pour celles qui sont très hautes aujourd'hui", avertit-elle. Malgré tout, "la période estivale sera assurément moins compliquée que l'an dernier" sur une large partie du pays.
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