les propositions post-Lubrizol des dputs

May 2024 · 5 minute read


Après cinq mois d’auditions et de travail, la mission parlementaire sur l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen a publié son rapport le 13 février. Présidée par le député socialiste de la Seine-Maritime Christophe Bouillon, son rapporteur est Damien Adam (LREM, Seine-Maritime). Tout en veillant "à ne pas s’immiscer sur des sujets faisant l’objet d'enquêtes et procédures judiciaires en cours", elle livre en quatre axes des propositions pour lutter plus efficacement, de l’amont à l’aval, contre le risque d'accident. 

Ne plus échapper aux radars de l'inspection

Elle évoque d'abord l’événement de façon factuelle, l'ampleur de l'incendie, retrace sa chronologie et décrit le fonctionnement de l'usine Lubrizol et de l'entreprise Normandie Logistique (NL). Ces deux sites touchés sont liés par des rapports de donneur d’ordres à prestataire qui, par "la force de l’habitude", ont sans doute "atténué la vigilance" du premier sur les capacités du second "pour connaître en permanence la composition exacte et la localisation précise des produits stockés dans ses locaux, et donc le potentiel de risques associés". Par ailleurs, le site de NL étant sous le régime déclaratif, aucun contrôle n’y a jamais été effectué par les services de l’État. C'est bien la preuve, pointe ce rapport, que la prise en compte du risque de la part de l’administration est encore "trop concentrée sur une approche site par site et pas assez par zone de danger". Le diable étant dans les détails, NL aurait par ailleurs bénéficié d'un régime d’antériorité (dispositif des droits acquis) qui lui a permis d'échapper juridiquement à celui, plus contraignant, de l’enregistrement. Pour inverser la tendance, la mission souhaite que la surveillance par les Dreal (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement) des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) de la catégorie "déclaration hors DC", "lesquels ne font actuellement l’objet d’aucun contrôle", soit renforcée.

Repenser les outils d’information 

Pour renforcer la culture du risque, les députés proposent assez classiquement de mieux s'appuyer sur les documents d’information communaux sur les risques majeurs (Dicrim) établis sous la responsabilité des maires. Ils observent qu'aucune obligation d’actualisation régulière, ni d'obligation de rediffusion, ne s’impose. Celui de Rouen, publié en 2002, n'a jamais été rediffusé : "De nombreuses communes, notamment les plus petites d’entre elles, connaissent la même situation". Dès lors, pourquoi ne pas "forcer à une rediffusion régulière du Dicrim" ? La gratuité de sa mise à disposition est aussi méconnue. De bonnes pratiques pourtant existent. La ville de Petit-Quevilly a décliné son Dicrim en magnet. Mais l’équilibre reste difficile à trouver "entre un document recensant exhaustivement les risques, indiquant comment y réagir, et un document accessible et compréhensible". Pour faire connaître les risques, la mission conseille aussi de s'appuyer sur le site Géorisques du ministère de la Transition écologique et solidaire. Doté d’une carte qui recense les risques par commune, "il pourrait en partie remédier à la méconnaissance des risques, à l’insuffisance de publicité des documents d’information préventive", à condition d'être revu, simplifié et valorisé. 

En finir avec l'information uniquement descendante

Autre outil perfectible, les commissions de suivi de sites (CSS), ces espaces de dialogue permettant de suivre l’activité des sites industriels qui réunissent des élus, des associations, des représentants des salariés d'entreprises concernées et les services de l’État. Le climat "assez bureaucratique" de ces instances, censées être partenariales mais qui donnent "surtout lieu à un dialogue entre le préfet et l’exploitant", est pointé. Il existe un dispositif de dialogue plus ouvert, une alternative aux CCS, la "conférence riveraine" créée par l'actuel député Yves Blein (qui préside Amaris, voir notre article du 5 novembre 2019) lorsqu’il était maire de la ville de Feyzin, dans la métropole de Lyon. Les députés suggèrent de s'en inspirer pour revoir le fonctionnement des CSS.

Exercices grandeur nature, visites d'usines : à généraliser

Le manque de formation des habitants à la réaction adéquate en cas d’accident - une majorité ne savent pas quoi faire en cas de déclenchement des sirènes - et la méconnaissance d'usines qui leur étaient autrefois connues "soit directement, soit par les cercles familiaux ou amicaux", sont aussi soulignés. Il est suggéré de développer les exercices de mise en situation, d'y faire participer les habitants, d'organiser comme au Japon une journée dédiée, d'ouvrir davantage les usines pour y "parler industrie et risque technologique" et de s'appuyer sur les entreprises pour impliquer un maximum de monde. 

Alerte par SMS : un écho au plus haut niveau

En cas de crise, la robustesse d'une solution est souvent mise en avant : le "cell broadcast" qui permet, par le bornage des téléphones portables, d’envoyer d’office des messages aux mobiles dépendant d’une zone en étant certain qu'ils soient lus et compris. En place aux Pays-Bas, elle est défendue à un tel niveau qu'il devient délicat pour le gouvernement d'y rester sourd (voir notre article du 14 novembre 2019). Retiendra-t-il l'idée de développer cette technologie dans le second paquet de mesures attendu d'ici l'été ? Après certains préfets et sénateurs (dont la commission d'enquête Lubrizol rendra ses conclusions en avril), les députés conseillent à leur tour de s'en emparer "d’ici à 2022, dans le cadre de la transposition de la directive européenne établissant le code des communications électroniques européen". Enfin, pour "redorer l’image d'une ville abîmée par l'incident", frappée d'un préjudice "grave qui ne doit pas rester sans réponse", ils préconisent une grande campagne de communication sur le tourisme "avec une participation financière des collectivités et de Lubrizol". 

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