"Gagner en efficacité, en rapidité, en intelligibilité de l'action publique collectivement". Tel est le défi que le président de la République a assigné aux directeurs des administrations centrales et déconcentrées réunis, le 12 mars, lors d'une "convention nationale des cadres dirigeants de l'Etat".
"On nous demande d'aller plus vite. Et, dans le même temps, nous avons une action publique qui s'est alourdie, qui prend plus de temps, qui, à coup sûr, s'est complexifiée. Cet écart fait que les gens nous disent : 'vous êtes inefficaces'", a constaté Emmanuel Macron, dans ce discours de près d'une heure. Il a rappelé aux 700 hauts fonctionnaires présents physiquement ou en visioconférence, les reproches ("il vit ailleurs", "il est déconnecté") que lui adressent les Français lors de ses déplacements : "alors c'est 'bibi' qui paye", a-t-il tancé.
Face à la "crise de l'efficacité de l'action publique" et la "crise de confiance", il faut "changer drastiquement notre méthode", "une transformation de l'Etat est indispensable", a-t-il insisté.
Territorialisation : "la bonne maille est départementale"
Ce qui passe d'abord, selon lui, par de nouveaux efforts en matière de déconcentration de l'Etat, grâce à des textes qui seront "pris dans les prochaines semaines". Des actions ont certes été conduites ces dernières années pour accorder plus de responsabilités aux préfets et à l'administration territoriale, mais le bilan est très inégal, selon les ministères. Dans certains, "tout est resté au niveau central", a déploré le chef de l'Etat. "Je veux véritablement qu'on aille au bout de cette déconcentration territoriale", a-t-il déclaré. En estimant que "la bonne maille est départementale". L'idée étant aussi que le préfet voie son leadership croître. "Le préfet doit être le pilote effectif de l'ensemble des services de l'Etat, opérateurs et agences compris au niveau départemental, parce qu'il faut de la simplicité de commandement". Le président de la République a résumé peu après : "Le préfet de département doit être (…) un patron de l'Etat". En outre, les opérateurs et services de l'Etat devront associer les préfets aux financements accordés dans leur ressort territorial. "Ce droit de regard doit permettre une plus grande cohérence des choix d'investissement de l'Etat".
La capacité d'action des préfets sera également accrue en ce qui concerne l'attribution des subventions aux investissements publics locaux. Le ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, l'avait promis dès l'automne : les préfets pourront s'engager à financer de manière pluriannuelle "certains projets", en mobilisant les dotations de soutien à l'investissement local et le fonds vert. Une instruction paraîtra à ce sujet.
Renforcer le droit de dérogation préfectorale
La poursuite de la déconcentration de la gestion des ressources humaines et budgétaires de l'Etat est également au programme. Cette "vraie déconcentration" doit s'accompagner d'une limitation "au maximum" des appels à projets, a préconisé par ailleurs Emmanuel Macron.
Le président de la République a également appelé les préfets à se saisir davantage du droit de dérogation aux normes réglementaires. "C'est un point clé", a-t-il dit. Le gouvernement engagera donc des travaux, pour "simplifier" et "accélérer" la procédure et "élargir les domaines d'intervention" concernés. Ils constituent l'un des volets des mesures de simplification qui seront présentées lors d'un comité interministériel de transformation publique (CITP) prévu pour le printemps.
La mue de l'administration doit aussi passer par une association des acteurs locaux - dont les élus - à la conception des politiques publiques, a par ailleurs souligné le chef de l'Etat. En appelant à "la systématisation", à l'échelle des "bassins de vie", des réunions du Conseil national de la refondation (CNR). Pour mémoire, ces CNR territoriaux ne sont pas nouveaux, puisque plusieurs d'entre eux ont été engagés (en matière d'école, de santé, de transports, de transitions écologique et numérique) depuis le dernier trimestre 2022.
Responsabilité des fonctionnaires et élus
Mais faire confiance aux décideurs de terrain ne suffit pas, si le régime de responsabilité pénale des fonctionnaires bloque les initiatives, a estimé Emmanuel Macron. Lequel a précisé : "Quand je dis des fonctionnaires, c'est aussi des principaux décideurs publics et cela vaut pour les élus". "On a besoin d'un renforcement de la protection fonctionnelle (…) d'un cadre de responsabilité qui soit clarifié et qui permette de décider plus simplement et de prendre des risques tout simplement, a estimé le président de la République. Sur ce sujet, un état des lieux et des propositions seront faits "d'ici l'été" par une mission pilotée par le conseiller d'Etat Christian Vigouroux. Ce dernier "devra notamment dire s’il est nécessaire de revoir les règles de la responsabilité pénale en cas de délit non intentionnel des élus, hauts-fonctionnaires et cadres dirigeants", a précisé le Premier ministre dans une allocution qui a suivi celle du chef de l'Etat.
Ce dernier a aussi vanté le travail du ministre chargé de la Fonction publique, Stanislas Guerini, qui "permettra d'avoir un texte qui réforme très profondément notre fonction publique". Selon Matignon, le projet de loi doit faciliter les mobilités "dans et hors de la fonction publique", "récompenser les agents qui s'engagent" et "mieux valoriser l'acquisition des compétences". Le texte "sera présenté à la rentrée en conseil des ministres et débattu au Parlement à l’automne", a précisé Gabriel Attal.
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