Faut-il y voir une simple coïncidence ? Alors que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, présidée par Claude Bartolone - député (PS) et président du conseil général de Seine-Saint-Denis - publie son rapport sur les produits financiers à risques souscrits par les acteurs locaux (voir notre article ci-contre du 15 décembre 2011), le Journal officiel du même jour publie un décret "relatif aux limites et réserves du recours à l'emprunt par les établissements publics de santé".
Les deux documents se répondent parfaitement. Le rapport Bartolone rappelle en effet que les investissements des établissements hospitaliers - financés ou non par des emprunts toxiques - "se sont inscrits dans le cadre du plan Hôpital 2007, qui a encouragé les hôpitaux à entreprendre des opérations de restructuration, en recourant notamment au financement par l'emprunt". Or, depuis 2005, la décision d'emprunter n'est plus soumise à une délibération du conseil d'administration (aujourd'hui conseil de surveillance), mais relève du directeur d'hôpital, qui en informe le directoire et le conseil de surveillance. Une situation qui présente l'avantage rétrospectif d'exonérer les maires présidents de conseils d'administration hospitaliers de toute responsabilité dans la situation des établissements concernés. Mais la mission Bartolone constate que "l'isolement des directeurs d'hôpital lors de la décision d'emprunt a pu conduire ces derniers à réaliser des opérations risquées ; et ce, d'autant plus que bon nombre d'entre eux ne disposaient ni des compétences nécessaires, ni de l'appui de services financiers suffisamment formés".
Le décret du 14 décembre 2011 a précisément pour effet principal de placer désormais les décisions relatives aux emprunts hospitaliers sous le contrôle du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS). Deux éléments sont pris en compte pour introduire ces limitations : la situation de l'établissement d'une part ; la nature des emprunts souscrits de l'autre. Ainsi, le recours à l'emprunt des établissements publics de santé sera subordonné à l'autorisation préalable du directeur général de l'ARS, dès lors que leur situation financière présente au moins deux des trois caractéristiques suivantes : un ratio d'indépendance financière (rapport entre l'encours de la dette à long terme et les capitaux permanents) excédant 50%, une durée apparente de la dette supérieure à dix ans (rapport entre l'encours total de la dette et le montant net des provisions et amortissements réalisés au cours de l'exercice) et un encours de la dette, rapporté au total des produits toutes activités confondues, supérieur à 30%. Cette procédure d'autorisation préalable s'appliquera uniquement aux emprunts d'une durée supérieure à douze mois.
Une indexation sur des indices de "père de famille"
En pratique, le directeur de l'établissement adressera au directeur général de l'ARS sa demande d'autorisation, assortie d'un plan global de financement pluriannuel mis à jour. Dès réception, le directeur général saisira, pour avis, le directeur régional des finances publiques, qui aura quinze jours pour se prononcer. A l'issue de ce délai, le directeur général de l'ARS aura lui-même une semaine pour notifier sa décision au directeur de l'établissement.
La seconde partie du décret instaure des restrictions sur la nature des emprunts qui peuvent être souscrits par les hôpitaux publics. Celles-ci valent donc quelle que soit la situation de l'établissement. Ainsi, les hôpitaux ne pourront plus souscrire que deux types d'emprunts à taux variables : ceux indexés sur un taux usuel du marché interbancaire, du marché monétaire de la zone euro ou du marché des valeurs de l'Etat, et ceux indexés sur l'indice du niveau général des prix ou sur l'indice harmonisé des prix à la consommation de la zone euro. Autrement dit, des indices de "père de famille".
De même, les hôpitaux publics ne pourront plus, sauf quelques cas particuliers, souscrire "d'emprunt dont le taux d'intérêt variable peut, durant la vie de l'emprunt, devenir supérieur au double du taux d'intérêt nominal appliqué au cours de la première période de l'emprunt". Enfin, ils ne pourront souscrire de contrats financiers que lorsque ceux-ci sont liés à un emprunt. Les contrats financiers autorisés sont eux-mêmes limités à trois catégories : les contrats d'option relatifs à des taux d'intérêt, les contrats d'échange relatifs à des taux d'intérêt et les accords de taux futurs. Lorsque ces contrats sont à taux variables, ils doivent être indexés sur les différents indices évoqués plus haut.
Le non-respect de ces différentes restrictions pourra conduire le directeur concerné devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Toutes ces dispositions s'appliquent aux contrats d'emprunts et aux contrats financiers souscrits à compter du 15 décembre 2011. Le directeur général de l'ARS pourra toutefois déroger à ces dispositions pour les avenants aux contrats d'emprunt souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre ou pour les avenants aux contrats financiers relatifs à ces mêmes emprunts.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : décret 2011-1872 du 14 décembre 2011 relatif aux limites et réserves du recours à l'emprunt par les établissements publics de santé (Journal officiel du 15 décembre 2011).
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